jeudi 12 mars 2009

Extraterrestre au pays de la performance

Il y a trois ans, lorsque je suis allée consulter une intervenante d'OMPAC (Organisation multiressources pour personnes atteintes de cancer, voir www.ompac.org) pour la première fois, je n'avais pas encore réalisé le fossé qui s'était creusé entre moi et mon monde "normal". À ce moment-là, je m'apprêtais à retourner au travail après plusieurs mois de convalescence. Je regagnais les rangs de l'entreprise qui m'employait, bien que j'avais perdu mon poste d'adjointe exécutive pendant ma période d'invalidité (une longue histoire sur laquelle je ne reviendrai pas ici).

Planète Cancer

J'avais senti le besoin d'aller consulter quelqu'un qui évoluait dans ce monde parallèle associé à la lutte pour la vie, car je craignais le "choc des cultures" qui m'attendait. Je sentais que j'aurais à faire face à une nouvelle réalité, conséquence de mon état de santé.

Je me rappelle bien, lors de cette rencontre, l'intervenante m'avait clairement mise en garde : "Votre réalité vient de changer complètement et vous allez le ressentir lorsque vous allez retourner dans le monde de la performance. Vous ne parlerez plus le même langage. Ici, c'est la planète Cancer et nous parlons ce langage. C'est ici que vous trouverez le support dont vous avez besoin."

Cette révélation m'avait attristée beaucoup, car je n'étais plus "Josée, l'adjointe du président de secteur"... j'étais maintenant "Josée, la fille touchée par le cancer". Ma valeur professionnelle venait de chuter de façon drastique, comme les derniers piqués vertigineux de la bourse. Les yeux qui se posent sur vous à ce moment-là ont changé de couleur.

Parmi les "héroïnes" du jour

Hier, je me suis vraiment sentie comme une extraterrestre parmi les "héroïnes" du jour. J'avais eu une invitation pour participer au dîner annuel de la Journée de la Femme tenu par le Réseau des femmes d'affaires du Québec - région Laval. J'ai longtemps été membre de ce regroupement d'entrepreneures et de professionnelles et je m'y suis impliquée beaucoup. Du fait, j'ai su y développer un bon réseau de contacts et créer des liens d'amitié qui résistent au passage du temps.

Ainsi, j'aime beaucoup me replonger dans cet univers de femmes qui ont la "drive" et le courage de réaliser leurs projets d'affaires en menant une carrière pleine de défis. C'est extrêmement stimulant pour moi. Cette énergie me manque beaucoup, car bien évidemment je ne fréquente plus ce milieu depuis mon retrait de la vie professionnelle.

Hier, j'étais très heureuse de retrouver les femmes que je connais pour reprendre contact. Mais avant de partir, j'ai dû faire le point sur ce que j'allais "promouvoir", car le but premier de ces rassemblements, c'est le réseautage : rencontrer de nouvelles personnes et les intéresser à ce qu'on a à offrir.

Qu'est-ce que tu fais dans la vie ?

Je devais donc me préparer à répondre à cette question : Qu'est-ce que tu fais dans la vie ? -- car c'est la première chose qu'on veut savoir après notre nom. Ça fait maintenant plus de trois ans et demi que je jongle avec cette question et je n'ai toujours pas trouvé la façon juste d'y répondre, car je sais d'avance que je m'expose à un jugement de valeur qui est propre à la personne qui pose la question. J'ai parfois l'impression d'être assise sur une chaise électrique... si la réponse ne plaît pas : "Bizzzzzz" éliminée !

J'exagère un peu, bien sûr, mais à peine. Certaines personnes sont si mal à l'aise avec cette sombre réalité qu'est le cancer, qu'ils oublient de voir la personne pour ce qu'elle est. Enfin, on s'en fout... bon, presque !

Ce que je voulais dire au sujet de ma sortie d'hier, c'est qu'en brassant dans ma tête les différentes options qui s'offraient à moi dans une présentation juste et vague, j'ai choisi le titre de "blogueuse". En effet, ma meilleure option était de promouvoir mon blogue en restant un peu vague sur les propos que j'y traite. Ainsi, ceux qui auraient la curiosité de venir y faire un tour en saurait plus long sur moi et ma véritable valeur, non celle associée au monde des "sprinters" professionnels (tous ceux qui courent après leur temps pour tout faire ce que leur boss exige d'eux en échange d'un chèque de paie).

"Blogueuse, c'est bien beau, mais c'est pas payant ça !?!" Bon, voilà que les choses se compliquent. Il faut maintenant que j'entre dans la question des revenus... d'où viennent-ils ? Ça c'est très important. Voici les différentes possibilités dont je dispose :


  • 1. Je vends de la dope : très peu crédible avec ma Toyota Corolla qui date déjà de 10 ans.

  • 2. Je suis semi-retraitée : je n'ai que 46 ans...

  • 3. Je suis en sabbatique : formule que j'ai utilisée hier, ce à quoi je me suis fait répondre : "Chanceuse !"

  • 4. J'ai gagné à la loterie : je n'y avais pas pensé à celle-là... ça pourrait sans doute être amusant de l'essayer

  • 5. J'ai marié un gars riche : possible, mais très peu probable de nos jours, car les gars qui sont encore riches après leur premier mariage ne veulent plus se marier.

  • 6. Je suis en arrêt de travail : "Ah oui, qu'est-ce qui t'est arrivé ?"

  • 7. Je suis travailleuse autonome : "Tu fais quoi ? As-tu une carte d'affaires ?"
  • 8. Je suis en transition : c'est une autre formule que j'ai tentée hier, mais ça laisse le monde à plat, car on ne veut pas vraiment préciser de quel genre de transition il s'agit.

  • 9. Je suis invalide : celle-là est totalement suicidaire. Ne l'essayez même pas.

  • 10. Ce n'est pas de tes affaires... Même si c'est la réponse la plus près de la vérité, elle est difficile à servir dans un milieu où on est là pour apprendre à se connaître.
Qu'en pensez-vous ?

J'aimerais vous entendre sur la question. Comment croyez-vous que je devrais réagir lorsque la question est abordée avec des inconnus ? Je vous rappelle que j'ai l'air d'une fille tout à fait normale, c'est-à-dire que rien dans mon apparence physique ne laisse paraître ma condition particulière ni même mes séances de traitement de chimiothérapie présentement en cours.

Voyez par vous-même. J'attends vos commentaires.


5 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Josée!
Je crois que les 2 réponses que tu as utilisé sont bonnes.
Tu es en sabatique (à cause de maladie mais pas obliger de le préciser)
Tu es en transition parce que tu as encore un projet à réalisr.
Quel est ce projet? Quel est ce rêve?
Ta maison en campagne. lieu de ressourcement où on peut prendre un café,un thé en parlant de la pluie et du beau temps.
Je crois que ce projet est très valable et en plus quand tu écrit à ce sujet tu es capable de vendre l'idée , nous faire voir tous les attraits.
Je ne sais pas comment fonctionne les femmes entrpreneures mais peut être l'une d'elle s'intéresserait à ce projet?
Ne lâche pas, bonne chance dans tes entreprises.

Anonyme a dit…

Pourquoi chercher: dire la vérité est toujours le meilleur choix sinon nous travaillons notre égo.

Unknown a dit…

Allo Josée,

je suis d'avis avec les deux personnes précédentes. Les 3 réponses peuvent se faire, et il y en a une 4ième:
- blogueuse, et pour ce qui est des revenus, c'est personnel. Ça ne se pose pas comme question, c'est un manque d'éducation.
Câlin.

Croque la Vie a dit…

Merci pour ces commentaires qui alimentent la réflexion. J'en ai reçu un autre dans ma boîte de courriel personnelle et j'aimerais vous le partager, car il est plein de sagesse. J'attends le OK de la personne qui me l'a fait parvenir.

En attendant, j'aimerais apporter une précision sur le pourquoi ne pas dire la vérité toute crue ? Parce que beaucoup de personnes ne sont pas prêtes à l'entendre et n'ont pas l'ouverture nécessaire pour accueillir une confidence ou un témoignage sans juger. De plus, il y a des lieux et des contextes qui ne se prêtent pas à ce genre de confidences, à mon avis. Ainsi, quand on se retrouve à une table d'étrangers qui n'en ont rien à foutre de nos petites misères, vaut mieux s'abstenir et engager la conversation sur des sujets plus neutres. Voilà !

Unknown a dit…

tout a fait d'accord avec ton dernier propos. Tu fais preuve d'une grande lucidité.
Il faut savoir quand s'abandonner et quand garder le contrôle.