mardi 16 décembre 2008

Heureuses rencontres

Combien de fois croisons-nous des mendiants dans la rue ? Dans la grande ville où j'habite, ils se trouvent un peu partout sur notre route : à la porte du Jean Coutu à vendre des magazines L'Itinéraire, à la sortie des bouches de métro la main tendue, dans les corridors du même souterrain à jouer de la musique pour recueillir des dons, au coin des rues achalandées à solliciter des "clients" pour un lavage de pare-brise éclair, etc. Et ils prennent toutes sortes de formes : la plupart du temps, il s'agit d'hommes (jeunes ou plus âgés) itinérants vivant une détresse quelconque. Mais peu importe ce qui motive leur besoin de quémander, moi je considère qu'ils sont en difficulté et qu'ils méritent notre attention.

Un reflet de notre réalité

J'ai longtemps fait comme la plupart d'entre nous lorsque je les croisais, c'est-à-dire passer droit sans même lever les yeux vers eux. L'indifférence était une réponse claire à mon choix de ne pas les soutenir. Bien sûr, on ne peut donner à tous ceux qu'on rencontre sur notre chemin. Et en passant droit, je me répétais la même excuse : "Je donne déjà à des causes reconnues : Centraide, la Guignolée, la Croix-Rouge, etc." Ainsi, je prenais soin de mon sentiment de culpabilité en l'étouffant.

Puis, j'ai commencé à changer ma position vis-à-vis ces concitoyens dans le besoin, car ne nous leurrons pas, ils font bel et bien partie de notre société. Je me disais alors : "Je vis dans une grande ville qui offre tout plein d'avantages (divertissements multiples, attraits touristiques captivants, commodités à proximité, transport en commun efficace, etc.); je me dois d'intégrer également, et de faire ma part pour améliorer les aspects plus sombres de cette réalité urbaine. C'est ainsi que j'en suis arrivée à choisir de donner chaque fois que j'en avais l'occasion. Il n'est pas nécessaire de donner beaucoup pour soutenir une personne, car ce qu'elle recherche avant tout, c'est la reconnaissance.

Au début, c'était un petit sourire et un signe de la tête, parfois accompagnés d'une pièce de monnaie. À l'occasion, je m'arrêtais pour lui parler : "Qu'est-ce qui vous arrive ?" "Comment puis-je vous aider ?" Chaque fois que j'ai adressé la parole à une personne dans le besoin, j'ai fait une belle rencontre. Et il y a eu des rencontres plus marquantes que d'autres.

Au milieu de la foule aveugle

Je me souviens de cette jeune fille de 18-19 ans croisée à la station de métro Berri-UQAM, la plaque tournante de notre réseau de transport souterrain. Elle était au milieu de la foule de l'heure de pointe matinale à crier : "Y'a-tu quelqu'un qui veut m'aider ? J'ai besoin d'aide." Les gens passaient à côté d'elle sans la voir. Pourtant sa détresse était évidente.

Je me suis arrêtée pour lui demander : "Comment puis-je t'aider ?" Elle m'a expliqué qu'elle était coincée dans la ville pour la journée, car ses cours au cégep n'auraient pas lieu (ou quelque chose du genre) et qu'il lui faudrait attendre jusqu'au soir tard que quelqu'un vienne la chercher pour rentrer chez elle à Joliette. Elle souhaitait rentrer à la maison. J'ai été immédiatement touchée par son histoire (qu'elle ait été vraie ou non), car je me souvenais de ma propre détresse à l'âge de 9- 10 ans, lorsque ma soeur et moi sommes restées prisonnières d'une méga tempête de neige. Toutes les rues de la ville étaient impraticables; seuls les motoneiges pouvaient se frayer un chemin. C'était un samedi du début mars de 1971... vous vous rappelez ?

Enfin, ce souvenir douloureux m'a rappelé combien j'avais hâte de rentrer chez moi au chaud et en sécurité. C'est donc sans hésitation que je lui ai offert ce que je pouvais pour lui permettre de s'acheter un billet d'autobus. Elle était tellement excitée qu'elle en sautait de joie et cette jeune fille a même lancé, dans son excitation, un : "Je vais prier pour vous." Cette phrase m'a frappée venant d'une personne qui n'a pas été imprégnée d'une mentalité spirituelle comme nous. Je lui ai alors répondu : "Merci, j'en ai besoin." Puis elle est partie en courant.

Un dimanche matin pluvieux

Il y a aussi cet homme d'un certain âge qui m'a abordée en pleurant à la porte du marché Provigo de mon quartier. C'était un dimanche matin triste, vers 10h. Il pleuvait. Il s'est adressé à moi en ces mots : "Madame, auriez-vous 2,50$ pour me permettre de prendre l'autobus ? Je dois me rendre dans un centre de désintoxication et je n'ai plus d'argent." Son visage ruisselait de larmes chaudes et sincères. Cette détresse m'a touchée profondément; je ne pouvais refuser à cet homme la chance qu'il se donnait de reprendre sa vie en main.

Je fouillais dans mon porte-monnaie, chose que je ne fais jamais sur la rue (ou qu'exceptionnellement) ; j'avais l'intention de lui donner un peu plus pour qu'il puisse prendre un café pour se réchauffer. Voyant ce que je faisais, il me dit : "Juste 2,50$, Madame, pas plus." Je lui ai tout de même offert un peu plus. Il m'a remerciée simplement et s'est dirigé tranquillement vers l'arrêt d'autobus.

Un poète en fauteuil roulant

Samedi dernier, il faisait très froid (moins 15 degrés C en plus du vent qui empirait l'effet de froid ressenti). J'avais besoin de passer à la librairie pour acheter un cadeau de Noël. Là où je stationne la voiture, un jeune homme (début trentaine) en fauteuil roulant sollicite timidement la générosité des passants. Je prépare une pièce de monnaie pour lui donner. Il me remercie et me remet un poème écrit de sa main et il fait de même pour mon amoureux qui lui a également donné une pièce.

"Ah ! Vous écrivez ? Moi aussi." lui dis-je. Puis, en revenant de la libraire, je lui remets une carte sur laquelle se trouve l'adresse de ce blogue pour l'inviter à venir y faire un tour à ses heures. Il semblait très heureux de l'attention que nous lui avions accordée. J'aimerais vous partager les écrits de cette personne qui m'est un peu moins inconnue...

La beauté

En pensant à tous ces passants
Je m'interroge sur la beauté
Celle d'une femme
D'une larme qui fragilise
D'un sourire qui m'inspire
L'innocence
Perdue par inadvertance
Sur le trottoir
Assis sur mon fauteuil
Habituelle place de mes deuils
La beauté
d'un échec retourné
Par expérience
Jadis ignorance
Les passants élégants
Leurs richesses me caressent
Diamants habillés
Délinquance dépourvue d'arrogance

Michel Pepin

Mots de sagesse

Nous gagnons notre vie avec ce que nous recevons. Nous la forgeons avec ce que nous donnons. (traduction libre)
We make a living by what we get. We make a life by what we give.
—Winston Churchill

Tout ce qui a de la valeur dans la vie se multiplie seulement lorsqu'il est donné.
(traduction libre)
Anything that is of value in life only multiplies when it is given.
—Deepak Chopra

Si vous saviez ce que je sais au sujet du pouvoir de donner, vous ne laisseriez passer aucun repas sans le partager d'une quelconque façon.
(traduction libre)
If you knew what I know about the power of giving, you would not let a single meal pass without sharing it in some way.
—Buddha

Si vous avez beaucoup, partagez votre richesse. Si vous avez peu, donnez votre coeur.
(traduction libre)
If you have much, give of your wealth. If you have little, give of your heart.
—Arab proverb


En ce temps de partage et de réjouissances, je vous souhaite de faire d'heureuses rencontres !

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