lundi 4 février 2008

Où est la grille ?

Quelle grille, vous demanderez-vous ? Parlons ici de la grille sociale en général, ce qui engloberait, à ce titre, la grille familiale et communautaire. Et où cela me mène-t-il ? Voici : il se trouve que durant ces nombreux mois de retrait du système (marché du travail et autres activités liées à notre mode de vie nord-américain), j'ai non seulement pu observer mais surtout pu expérimenter l'isolement. Et ce, malgré mon large réseau de contacts que je continue d'entretenir pendant cette période intense consacrée à ma guérison, malgré mes nombreux amis et le soutien constant de ma famille. L'isolement, c'est la chose la plus effrayante à envisager, selon moi, lorsque la vie nous force à quitter le "monde normal".

Au début, les gens se soucient beaucoup de notre état de santé, nous téléphonent régulièrement pour prendre des nouvelles, font un détour pour venir nous rendre visite, offrent leur soutien en cas de besoin. C'est normal. Mais après deux ou trois mois de la même chose, les contacts s'espacent dans le temps (et heureusement, car la guérison, c'est un défi qui demande beaucoup - temps, énergie, concentration, etc. - et qui exige intériorité et recueillement, donc solitude).

Ainsi, pendant de longs mois (surtout durant les mois d'hiver où on est davantage confiné à l'univers fermé du foyer), j'ai vécu parfois difficilement cet isolement, ce qui m'a amenée à réfléchir à notre grille sociale, soit aux liens qui tissent les citoyens de cette vie de nord-américain, et plus particulièrement ceux habitant dans et autour de cette grande métropole qu'est la ville de Montréal.

En parallèle, j'ai eu l'occasion d'en apprendre sur la vie en Indonésie (sur l'île de Bali, plus spécifiquement) grâce au séjour d'Elizabeth Gilbert (auteur de Eat, Pray, Love) pendant quelques mois en 2005. Elle raconte que là-bas, la grille (une espèce de toile d'araignée invisible) constitue non seulement la base fondamentale de l'équilibre qui règne dans leur vie, mais d'abord et avant tout ce qui leur assure sécurité et confort. On dit même que le pain quotidien de chaque individu dépend de son appartenance à cette toile tissée serrée dont le fondement est le clan familial.

Il n'y a pas que des avantages, me direz-vous, à ce principe de grille tel que connu dans ce pays. Par exemple, une femme qui demanderait le divorce (ce qui est extrêmement rare), si elle l'obtenait, perdrait la garde de ses enfants (car il s'agit d'une société patriarcale) et se retrouverait complètement isolée puisque, au moment du mariage, la femme quitte son clan familial pour intégrer celui de son mari.

Sans être parfait, ce tissu social a de quoi en inspirer plus d'un pour contrer nos énormes problèmes sociaux : personnes âgées qui meurent seules, épidémie de suicide chez les jeunes, comportements compulsifs de tous ordres, etc. Mon expérience me dit que la santé et la survie de notre société passe par la solidarité, la compassion et le don de soi, que ce soit auprès de nos proches ou de purs étrangers. L'humain ne peut tout simplement pas vivre sainement, heureux et de façon équilibrée s'il ne se sent pas connecté à son environnement social. À moins d'être un ermite anti-social ou un moine cloîtré.

Pensons-y, car nous sommes tous vulnérables, à divers degrés, lorsque touchés par les revers de la vie.

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