mercredi 30 avril 2008

Rééduquons la société un coeur à la fois...

Je lisais dans La Presse de samedi dernier les lettres de deux lectrices relatant leur expérience désolante de femmes enceintes dans les transports en commun à Montréal. Elles cherchaient à nous faire prendre conscience combien notre société est devenue individualiste et aveugle aux besoins des autres. L'une d'elles présentaient les différents types de comportements qu'on rencontre dans un wagon de métro à la vue d'une femme enceinte.

Il y a le bon Samaritain qui se lève spontanément pour céder son siège, plus souvent une femme qui a elle-même eu des enfants, donc qui est en mesure de bien comprendre le besoin de celle qui porte un ventre arrondi par la maternité. Puis, il y a l'individualiste ou l'ignorant qui semble ne faire aucun lien entre le siège qu'il occupe et le besoin de la future maman. Il y a aussi l'insouciant qui se coupe complètement de son environnement sans se soucier le moindre du monde des autres qui voyagent dans le même wagon. Enfin, il y a l'hypocrite, le pire, selon l'auteure de la lettre. Bien qu'il ait vu la femme enceinte debout, il cherche à fuir son regard, soit en somnolant, en regardant par la fenêtre ou en se plongeant dans son journal.

La deuxième lectrice décrit son expérience comme traumatisante et affirme être arrivée chez elle en larmes ce jour-là après avoir vécu un trajet debout tandis qu'elle, enceinte de huit mois et épuisée, était entourée de femmes qui semblaient bien portantes et ASSISES.

Ces deux témoignages réflètent une réalité malheureuse et presque pathétique. Il est vrai que nous vivons dans une société nombriliste qui a perdu son sens du savoir-vivre. Mais je crois que les comportements individualistes manifestés dans ces tristes expériences sont souvent amplifiés par l'effet de la masse. C'est-à-dire que plus on est nombreux, plus chacun reste centré sur lui-même en se disant possiblement que quelqu'un d'autre "répondra à l'appel" d'un besoin apparent mais non exprimé. Ainsi la personne qui attend que le sens du civisme et la courtoisie fassent leur oeuvre chez un compatriote compatissant risque d'attendre en vain et rester debout, sortant ainsi de l'expérience frustrée, attristée, et même découragée.

Ce phénomène de nombrils appartient, à mon avis, à un mécanisme de protection ou de survie inconscient. Inconscient, il faut bien le préciser, et non volontaire. Remarquez ce qui se produit lorsque vous regardez les gens dans les yeux... J'ai adopté cette nouvelle technique il y a quelques années cherchant à humaniser mon monde. Ainsi, partout où je croise des inconnus : à l'épicerie, sur la rue, dans le métro, plutôt que de regarder par terre pour essayer de me forcer un chemin de passage, je m'arrête devant la personne qui constitue l'obstacle et je la regarde dans les yeux avec un léger sourire aux lèvres. L'effet est instantané. Dès qu'elle lève les yeux pour me regarder, elle comprend mon besoin et se tasse pour libérer le passage, et souvent, elle le fait en s'excusant et en souriant. Si la personne ne me voit pas, trop absorbée dans son journal ou dans son magasinage, j'adopte la même attitude en ajoutant un simple mot : "Excusez-moi..." Encore une fois, l'effet est immédiat.

Le secret : la considération. J'ai considéré la personne en ne la brusquant pas, en ne l'agressant pas, en l'abordant gentiment... C'est ça la magie !

Si l'on veut une société plus humaine, cessons de jouer les victimes offensées et mettons la main à la pâte dans le processus de réhumanisation de cette belle société dans laquelle nous nageons. Car dans notre univers urbain "sans coeur", il y a un coeur dans chaque individu, mais il faut le solliciter gentiment. Je suis certaine, et j'insiste, certaine, que si une femme enceinte, une personne âgée ou même un jeune en béquilles exprimait gentiment son besoin de s'asseoir en demandant à une personne qui semble en forme de lui céder sa place, au moins deux autres passagers lui offriraient la leur. Et, ainsi conscientisés, la prochaine fois que ces trois-quatre témoins verront une personne "à mobilité réduite", comme on les appelle, elles y penseront et l'une d'elles se lèvera pour offrir son siège... Et dans deux ans, cinq ans, dix ans, notre société aura regagné de l'humanité. Mais il nous appartient d'y voir maintenant.

Les gens ont un coeur, ils sont seulement déconnectés de la collectivité. Il faut les y ramener une personne à la fois et avec le sourire...

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