vendredi 20 juin 2008

Rencontres de coeurs

C'est ça, ma nouvelle profession : "Spécialiste de rencontres de coeurs" ! Pas que je veuille me montrer plus fine que quiconque ou me faire Mère Teresa, mais mon Dieu que c'est bon !

Dans la spirale du blues

Je venais de passer quelques jours dans une zone franchement ténébreuse où j'avais le sentiment qu'il valait mieux que je reste seule. Je ne m'étais pas rendu compte que je glissais tranquillement dans l'antre de l'apitoiement et que les choses ne semblaient pas vouloir s'améliorer. Aux prises avec l'angoisse, je tournais en rond dans un cercle vicieux sans fin.

Puis, une petite voix m'a dit : "Appelle donc à l'hôpital pour te rassurer." Ce que j'ai fait. À défaut de pouvoir accélérer les processus d'examen pour moi, mon infirmière pivot a su me rassurer suffisamment pour que je retombe sur mes pattes. J'avais maintenant besoin de me tourner vers les autres. Hier, donc, j'avais rendez-vous avec mon ami en deuil de sa femme (réf. "Terminus 38-34" paru le 6 février dernier et "Sur un banc du parc Lafontaine" paru le 30 mai), car il avait besoin d'aide pour régler certains trucs. Ensuite, je me proposais d'aller voir ma nièce à l'hôpital (réf. "Une rose brisée" paru le 9 juin et "Ma rose championne" paru le 12 juin).

Quelques fleurs pour le coeur

Ainsi, chemin faisant, je m 'arrête au Loblaw's de mon voisinage pour acheter un bouquet de fleurs. En entrant, un gros étalage de melons d'eau me souhaite la bienvenue. J'adore le melon d'eau ! Ça me rappelle mon enfance. Il y avait un commis près de cet étalage à organiser tous ces ballons juteux. Je lui demande : "Combien les melons ?" Avec quelques blagues, il m'informe qu'ils viennent tout juste de descendre à 1,49$. Wow ! Quelle aubaine ! Puis, je le reconnais : il s'agit d'un homme que j'ai rencontré au début du printemps tout près de chez moi.

Sur la glace mince de la vie

C'était un 5 avril vers l'heure du souper. Le soleil se couchait tranquillement sur la rivière et cet homme marchait sur la glace amincie à bonne distance du bord. Il ne réalisait visiblement pas le danger qu'il courait alors. Je m'étais arrêtée pour le surveiller au cas où, et il m'avait vue le regarder. "Monsieur, ça va ? Vous savez que c'est dangereux ?" De loin, je sentais que cet homme n'allait pas bien, comme s'il cherchait à retrouver une forme de solitude ou à se rapprocher de Dieu. "Non, non, Madame, pas de danger, regardez." Puis il frappa la glace de son talon... (C'est un étranger qui vient d'Algérie ; il est donc peu familier avec le danger des glaces qui dérivent au printemps, j'imagine

"Vous cherchez la solitude ?..." lui ai-je demandé. Et là, il me répondit : "Vous savez, j'aurais bien besoin de parler à quelqu'un." Je me suis mise à l'écouter me parler de ce qu'il vivait de difficile : les amours, le travail, la vie en général dans son petit un et demi trop étroit pour respirer le bonheur. Ce soir-là, je lui ai accordé une bonne heure de mon temps et de mon écoute attentive et j'ai senti que ça l'avait aidé : "Vous savez, Madame, quand je vous ai vue vous soucier de ma sécurité sur la glace, j'ai été touché. On ne se connaît même pas !" m'a-t-il dit. En effet, on ne se connaissait pas, mais la vie d'un être humain ne doit pas attendre de grandes présentations pour être sauvée. N'est-ce pas ?

Autour d'un melon d'eau

Aussitôt que je lui ai rappelé l'incident, un large sourire s'est dessiné sur son visage. Nous avons échangé un peu, il m'a donné un truc pour bien choisir un melon, puis en le saluant, je lui tends une main amicale. Après m'avoir serré la main, il porte la sienne sur son coeur. C'était à mon tour d'être touchée. Une belle rencontre pleine de vie...

Un sanctuaire de bonté

J'arrive chez mon ami avec une bonne demi-heure de retard, mais ça, mes amis vous diront que ce n'est pas nouveau... (D'habitude, c'est plutôt 15 minutes, mais enfin !)

Il m'accueille heureux de me voir, mais une grande tristesse l'habite. Il s'est levé avec cette peine au coeur et semble ne pas pouvoir la surmonter. Le deuil pèse lourd en ce jour de congé. En me déversant son chagrin, il me montre les quatre lampions qu'il a allumés le matin : un pour la mémoire de sa douce épouse, un pour lui afin qu'il trouve consolation dans l'épreuve, un pour ma guérison et un autre pour un ami qui souffre. J'ai l'impression d'être dans un sanctuaire de bonté sans fin.

Je ferai de mon mieux pour l'assister dans ses affaires à régler tout en lui accordant une présence attentionnée. Puis, considérant sa fragilité émotionnelle du moment, je lui propose de m'accompagner à l'hôpital pour se changer les idées. Il accepte avec joie. Après avoir lunché ensemble dans un resto du Vieux-Longueuil, nous nous dirigeons au chevet de ma nièce.

Dans le coin des "vieux"

C'est ainsi que ma nièce m'avait informée qu'elle serait transférée, ce jour-là, au service de réadaptation de l'hôpital... "avec les vieux". Mais par un heureux hasard, il y avait un patient de son âge dans ce secteur. Ils ont donc été jumelés dans la même chambre. À notre arrivée, déjà deux amies étaient présentes auprès d'elle et avait apporté chacune un bouquet de fleurs. Avec le mien, ça en faisait trois. Quelle chance !

Quand je l'ai vue, la belle Rose, mon Dieu que j'étais soulagée ! "Enfin, je la reconnais !" me suis-je dit. La semaine dernière, lorsque je l'ai visitée, l'enflure du visage était toujours présente, comme si elle avait pris 15 kilos. Mais là, c'est bien notre belle Rose. Elle était toute excitée malgré un affreux mal de tête, de constater combien elle était appréciée et aimée de son entourage. Elle ne cessait de défiler la liste des personnes qui s'étaient manifestées, en personne ou autrement : "ma mère, mon père, ma grand-mère, mon oncle, ma tante, mes frères et soeur, mes amis, etc." Elle défilait ça comme si c'était quelque chose d'exceptionnel. "Même les ambulanciers qui m'ont transportée sont venus me voir..." s'est-elle étonnée.

Et je me disais : "Si toutes ces marques d'affection pouvaient être suffisantes pour te signifier combien tu as du prix à nos yeux... et te propulser dans la réalisation de tes rêves les plus chers !" Une belle fille ! En quittant, je me penche au-dessus de son lit pour l'embrasser et elle m'attrape par le cou pour me serrer sur son coeur : "Je t'aime, Matante." "Moi, je t'adore, ma toutoune."

Un vent de bonheur

De retour à la maison, mon atmosphère intérieure était complètement changée, comme si j'avais ouvert toutes grandes les fenêtres de ma maison pour évacuer le nuage de pollution qui planait dans toutes les pièces. Une vent de bonheur avait soufflé sur mon coeur, et j'ai compris que le meilleur remède contre les blues, c'est le rose... le rose du coeur !

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